Amir Khadir: 'progressiste' vire-capot qui veut des sanctions contre l'Iran et Cuba

Amir Khadir en campagne avec son épouse, Nima Machouf, candidate au scrutin du 20 sep. Photo prise de son mur FB.

Amir Khadir en campagne avec son épouse, Nima Machouf, candidate au scrutin du 20 sep. Photo prise de son mur FB.

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Par Mohamad Solymani

Beaucoup de Québécois connaissent probablement Amir Khadir comme un politicien de gauche, progressiste et anti-impérialiste. Mais l’est-il vraiment?

C’est surprenant comment certaines de ses récentes actions et prises de position, relatives notamment à la politique internationale, jettent une lourde ombre de doute sur les prétendus tendances et objectifs politiques d’Amir Khadir, au point où elles vous poussent à revoir votre impression de lui comme un politicien progressiste, du moins du point de vue de la gauche.

Dans ce qui suit, nous allons voir certaines de ses récentes positions qui vous feront vous demander s’il est vraiment de gauche.

Amir Khadir était un membre du Rassemblement pour une alternative politique (RAP) dès sa création en 1997, et il participa à la fondation de l’Union des forces progressistes en juin 2002, étant même à un moment porte-parole du parti.

À l’automne 2005, Khadir signa le Manifeste pour un Québec solidaire[1]. Il participa à divers projets humanitaires au Nicaragua (1987), au Zimbabwe (1990), et en Inde (1997). De 1998 à 2008, il fournit une assistance médicale à la Palestine et à la Caravane d’amitié Québec-Cuba.

De 2000 à 2002, il dirigea, pour Médecins du monde, des missions d’aide médicale d’urgence dans plusieurs pays, dont l’Afghanistan[2]. Il est devenu porte-parole de l’Union des forces progressistes, une nouvelle formation née de la fusion du RAP, du Parti de la démocratie socialiste, et du Parti communiste du Québec.

Vous penseriez, avec raison, qu’un tel résumé est celui d’un militant de gauche, socialiste et anti-impérialiste. Mais les récentes prises de position de Khadir indiquent tout à fait le contraire.

Un exemple frappant en est son approbation du bombardement de la Libye mené par les USA – croyant[3] que le peuple libyen avait réclamé l’intervention militaire étrangère. Par ‘le peuple libyen’, il entendait le ‘Conseil national libyen’, le gouvernement alternatif libyen auto-proclamé, et créé avec le soutien des puissances impérialistes.

L’Ironie fait qu’il condamne les gouvernements des pays agressés et envahis d’être des États présumément oppressifs et anti-démocratiques, plus qu’il ne condamne l’acte injuste et totalement illégal de l’intervention militaire des puissances occidentales. Il semble croire que les interventions des puissances occidentales (que ce soit sous forme de guerre ou de sanctions imposées) dans une longue liste de pays incluant la Syrie, l’Iran, l’Irak, le Venezuela, Cuba, et autres, sont inévitables en raison des politiques ‘régressives’ alléguées de ces pays et de la soumission de leurs peuples à des présumées dictatures – mais que les peuples ‘réels’ brûlent d’être libérés par les puissances occidentales. Voilà une logique qui cadre bien avec le narratif des agresseurs et envahisseurs impérialistes! C’est le type de raisonnement qui pousse à blâmer les pauvres pour leur pauvreté, et donc à dédouaner le système.

Cuba est le seul pays latino qui ait protégé d’impressionnante façon sa population contre la pandémie de la Covid-19. Il a même développé un vaccin malgré les cruelles sanctions US, renforcées durant la pandémie. À cause de ces sanctions, Cuba peut difficilement acheter les trois seringues requises pour les trois doses du vaccin. Pour fournir des seringues aux Cubain.e.s, la Caravane d’amitié Québec-Cuba, organisation progressiste vieille de 30 ans, a lancé une campagne au Québec[4] – et sollicité le soutien d’Amir Khadir. Celui-ci y semblait favorable au début, mais il a finalement changé de position. Il a en outre critiqué la Caravane pour son soutien à ce qu’il a appelé un Cuba ‘non-démocratique’. Dans un courriel public à la Table de concertation, il a déclaré qu’organiser dans ce contexte l’assistance médicale à Cuba revenait à soutenir le présumé ‘gouvernement répressif de Cuba’.

Mais en même temps, Khadir n’a jamais condamné la campagne de Biden d’établir un ‘corridor humanitaire’ avec Cuba – sachant parfaitement qu’une offre impérialiste de ‘couloir humanitaire’ est un pur prétexte de l’Empire à l’intervention étrangère.

L’abandon de la position anti-impérialiste par Amir Khadir et son nouveau penchant pour le narratif néo-libéral et pro-impérialiste sont évidents pas seulement dans les cas de la Libye et de Cuba, mais dans celui de l’Iran aussi, comme on va le voir.

Il est clair que Khadir ne voit plus les USA comme un leader de l’impérialisme. Ou il voit peut-être tous les pays comme d’éventuels impérialistes, actuels ou potentiels, et il choisit de s’aligner avec l’impérialisme le plus puissant et le plus ‘démocratique’. Il semble dire, dans ses récents échanges avec ses amis socialistes : ‘J’étais avec vous, on a fait tout ce qu’on a pu, mais ça n’a pas marché dans un délai raisonnable, alors désolé, il faut changer d’idées’

La mutation néo-libérale d’Amir Khadir est encore plus évidente par rapport à son pays natal, l’Iran. Protestataires et Opposants du gouvernement iranien peuvent être divisés en deux groupes majeurs : les réformistes, qui ne s’opposent pas durement à la politique étrangère d’Iran (et qui dans certains cas y sont mêmes favorables), mais qui s’opposent aux politiques intérieures, et au système de gouvernance lui-même; l’autre groupe est celui des extrémistes qui s’opposent au système de gouvernance dans son ensemble et qui désirent un ‘changement de régime’.

La majorité des Iranien.ne.s de gauche sont parmi les réformistes, alors que les extrémistes sont composés de deux groupes majeurs : ce sont les royalistes (loyalistes de la monarchie déchue) et les Mek (Modjahedin-e-Khalgh), un groupe militant (parfois décrit comme organisation terroriste) qui est soutenu par les USA[5], l’Arabie saoudite[6], Israël[7], le Parti conservateur canadien [8]. En 2020, le Congrès iranien canadien (CIC-ICC), la plus grande organisation de la communauté en Amérique du Nord, a procédé à des élections ou extrémistes et réformistes se sont affrontés pour des postes au Comité de direction. Amir Khadir y était candidat, et avec son épouse Nima Machouf, il fit campagne aux côtés des royalistes et des extrémistes pour battre les réformistes coûte que coûte. Amir Khadir y subit une humiliante défaite, finissant 17è sur 19 candidats[9] – ce qui démontre qu’il est impopulaire même parmi les militant. e.s iranien.ne.s!

S’agissant de l’Iran, Amir Khadir et Nima Machouf sont clairement en faveur des sanctions et d’un changement de régime. Ils s’opposent fermement aux réformistes qui favorisent les solutions pacifiques[10], et ils préconisent plutôt des actions agressives, soutenant le projet de loi S-219 des conservateurs pour des sanctions plus sévères du Canada contre l’Iran[11].

Le 5 janvier 2020, des Montréalais.es ont organisé une marche de solidarité anti-guerre avec l’Iran et l’Irak après l’assassinat du général Soleymani et de ses collègues irakiens par un drone US à Bagdad[12]. Les organisateurs, dont Échec à la guerre et le Mouvement québécois pour la paix, s’étaient mis d’accord qu’il n’y aurait pas de slogans anti-régimes pour garder le focus de la protestation sur la politique étrangère de Trump et sa menace d’attaquer l’Iran. Les réformistes y étaient en grand nombre, avec beaucoup de Montréalais.es. Amir, Nima, et un groupuscule d’extrémistes, marchèrent ‘en annexe’ en brandissant des pancartes et en lançant des slogans anti-régime en dépit des consignes. Selon des témoins, Khadir argumenta avec les organisateurs avant la marche pour chercher à discréditer et à salir les réformistes modérés iraniens.

Enfin, Amir Khadir participe de plus en plus à des panels et colloques avec des têtes d’affiche de la droite néo-libérale comme Kaveh Shahrooz[13], recherchiste senior à l’Institut Macdonald-Laurier (MLI), un think-tank d’ultra-droite qui soutient les projets controversés d’oléoducs ainsi que des politiques agressives du Parti conservateur. Le MLI reçoit jusqu’à 80% de ses fonds du ministère de la Défense de Lettonie[14], parraine des projets  ‘anti-désinformation’ pilotés par un chercheur influent qui défend des collaborateurs nazis estoniens (financés par le secrétariat d’État US via le Global Engagement Centre et Journalistes pour les droits humains) [15], and tenta de réclamer des sanctions contre la Chine et l’Iran pour  l’incapacité de l’Occident de combattre la Covid-19 de manière efficace[16].

Shahrooz , qui dit estimer Irwin Cotler,  professeur de droit, ex-ministre Libéral et partisan avéré d’Israel, comme son ‘grand mentor’[17], réclame lui aussi des sanctions plus sévères contre l’Iran[18]. Reza Moridi et Shirin Ebadi sont d’autres partisans d’un durcissement de sanctions contre l’Iran dont Amir Khadir partage les idées et prises de position. Ces personnages sont perçus comme des extrémistes par les Iraniens de la Diaspora.

On se demande comment Amir Khadir et Nima Machouf, qui prétendent être pour l’auto-détermination du Québec, justifient les interventions étrangères dans les affaires de pays souverains comme la Libye, l’Irak et l’Iran, sous forme de sanctions unilatérales ou sous forme de guerres d’agression. À mon avis, et à la lumière de tout ce qui vient d’être présenté, Amir Khadir n’est pas la personne qu’il prétend être : il est de droite, pro-interventionnisme de l’OTAN, pro-guerres d’agression et pro-impérialiste. Et son épouse, Nima Machouf, candidate du NPD à Montréal aux élections fédérales du 20 septembre, partage les idées et les positions d’Amir sur l’Iran et la politique internationale[19].

 

Références

[1] Pour un Québec solidaire : La gauche réplique au manifeste Pour un Québec lucide, LCN (2005-11-01)

[2]  https://www.thecanadianencyclopedia.ca/en/article/amir-khadir

[3] https://www.wsws.org/en/articles/2011/04/cana-a07.html

[4] https://www.facebook.com/TCSQC/

[5] https://www.nybooks.com/daily/2018/07/20/why-trumps-hawks-back-the-mek-terrorist-cult/

[6] https://www.al-monitor.com/originals/2016/07/iran-mek-mojahedin-saudi-turki-bin-faisal.html

[7] https://www.salon.com/2012/02/10/israel_mek_and_state_sponsor_of_terror_groups/

[8] https://www.nationalobserver.com/2019/08/09/news/we-asked-canadian-politicians-why-they-engaged-cult-group-iran

[9]https://d3n8a8pro7vhmx.cloudfront.net/iraniancanadiancongress/pages/2963/attachments/original/1607907323/2020-12-13_Report_of_the_Technical_Expert.pdf?1607907323&fbclid=IwAR3RFZb_svixMluJSMq_csKK-RGD1CAdvhVb7kkguQVMVC-HIrOzwy-HX5Y

[10] https://nationalpost.com/opinion/kaveh-shahrooz-its-time-to-ramp-up-the-pressure-on-iran-heres-how https://www.iccon gress.ca/global_affairs_canada_position_on_sanctions_against_iran

[11] https://openparliament.ca/bills/42-1/S-219/

[12] https://www.cbc.ca/news/canada/montreal/montreal-anti-war-protest-1.5415620

[13] https://iran-tc.com/en/2020/10/06/open-letter-to-ustin-trudeau-prime-minister-of-canada-canada-needs-to-stand-up-against-severe-violations-of-human-rights-in-ira/

14 https://www.thecanadafiles.com/articles/lmdmf

15 https://www.thecanadafiles.com/articles/mli-launches-anti-disinformation-project-run-by-senior-fellow-who-defends-estonian-nazi-collaborators

[16] https://www.thecanadafiles.com/articles/cttsci  

[17]  https://twitter.com/kshahrooz/status/1229379923627958272?lang=en

[18] https://nationalpost.com/opinion/kaveh-shahrooz-its-time-to-ramp-up-the-pressure-on-iran-heres-how

[19] https://ici.radio-canada.ca/emissions/medium_large/2016-2017/chronique.asp?idChronique=426088


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Mohamad Solymani est venu au Canada en 1983, venant d'Allemagne ou il étudiait depuis l'époque du Shah. Il lança 'Alborz', premier journal socio-politique de langue Farsi au Canada, et il poursuit ces activités.


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